
Projet de budget de la Sécurité sociale dans le rouge écarlate

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La Sécurité sociale a 75 ans : un âge fragile
Alors qu’une cinquième branche de la Sécurité sociale est créée, notre système de protection sociale frise l’insoutenabilité financière. Une maison commune, oui, mais une maison commune fissurée.
75 ans
Le projet de Sécurité sociale a vu le jour en France avec les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945, dès la fin de la Seconde guerre mondiale. Ce système a fait ses preuves, mais il ne faut jamais oublier qu’il a ses opposants, toujours prêts à le réduire voire à le privatiser. Le « trou » de la « Sécu » n’est pas d’aujourd’hui. Et ses contempteurs non plus. Paradoxalement, alors que le gouvernement fait le choix historique de créer officiellement une cinquième branche de la Sécurité sociale (promise depuis plus de 20 ans), pour compenser les effets de la dépendance, en pleine crise du coronavirus, il plonge notre système de protection sociale dans des déficits tout aussi historiques. Du fait même de cette crise.
Sécurité sociale
D’un côté, on peut savoir gré à la Sécurité sociale de protéger les salariés, et les entreprises, durant cette crise. De l’autre, peut-on vraiment tout lui demander et s’inquiéter dans le même temps, comme dans le projet de budget récemment présenté par le gouvernement, de sa « soutenabilité financière » ? En somme, le gouvernement, avec l’aval de la représentation nationale, a colmaté les effets dévastateurs de cette première partie de la crise du coronavirus tout en constatant la création d’un système à trou, sans fond… soutenable.
Age fragile
C’est la fragilité de la Sécurité sociale actuelle. Elle a fait la preuve de son efficacité et de sa générosité. Mais elle le fait volontiers dans un contexte où il n’est plus permis de parler de cotisations, toujours confondues avec des « charges ». Encore moins à quelques encablures d’une campagne présidentielle. Alors qu’elle est sollicitée de toute part, notamment pour soutenir les enjeux du handicap, de l’autonomie, du grand âge, on oublie qu’elle a, elle aussi, atteint un certain âge.
Insoutenabilité financière
Or, sans étayage, sans béquille, sans ressources supplémentaires -sauf à la marge compte tenu des sommes en jeu-, comment envisager d’éponger la dette abyssale dans laquelle nous sommes plongés pour longtemps ? Comment organiser en outre le fonctionnement d’une cinquième branche ? Sans oublier la dette que nous venons de repousser au-delà de 2030. Nous. Oui, nous, car la Sécurité sociale est un bien commun. Méconnu. C’est sans doute un autre de ses paradoxes. Un système si présent dans notre quotidien, au travers des diverses allocations que nous percevons, collectivement, des soins dits « gratuits » dont nous bénéficions, ou bien plutôt sans reste à charge, ou avec un reste à charge réduit, il est vrai croissant. Un système à la fois si précieux, transparent, et auquel on pense pouvoir tout demander. Sans contrepartie. Au point qu’il est aujourd’hui en grave danger. Une maison commune. Oui, mais une maison fissurée.
Choc
Dans notre édition de 2015 où la Rédaction d’A part entière saluait le 70e anniversaire de cette grande institution, nous nous félicitions de ce que cet édifice avait tenu le choc, notamment celui de la crise de 2008. Et nous soulignions à quel point le peuple français si prompt à se féliciter de cette entreprise, fier de sa République sociale, semblait en même temps s’être éloigné des fondamentaux qui ont présidé à la création de cette Sécurité sociale, porteuse de valeurs, immense chantier de l’après-guerre, facteur de cohésion sociale.
Méconnaissance
Le secrétaire national du comité du 70e anniversaire de la Sécurité sociale, François Hiebel, soulignait bien l’attachement que les Français ont pour leur « Sécu », mais leur méconnaissance du système. Une institution peu à peu « assimilée dans l’imaginaire collectif à une caisse de remboursement », selon Colette Bec, professeur de sociologie à l’université Paris-Descartes et membre du Lise (Laboratoire interdisciplinaire de sociologie économique) Cnam/CNRS. Selon cette chercheuse, la « victoire de la conception néolibérale est en train de reformater la question de la protection. »
Cinquième branche
La coquille vide formée par la nouvelle branche Autonomie en est-elle la préfiguration ? L’acceptation politique d’un déficit à près de 20 milliards euros annuellement durant plusieurs années n’en est-elle que la première fissure de structure, visible, vraiment inquiétante ? La Sécurité sociale fut un choix de société, commun, démocratique, sa pérennité aussi.
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Pierre Luton
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