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Lubrizol : l’Igas pointe un manque de coordination et de préparation

Mise en ligne 22/09/2020 Actualités Santé Santé et travail

Il y a près d’un an, le 25 septembre 2019, a eu lieu, à Rouen, le gigantesque incendie de l’usine Lubrizol (classée Seveso 2). L’Inspection générale des affaires sociales a notamment été chargée de réaliser un «retour d’expérience» afin d’analyser la « gestion » de cette catastrophe.

Lubrizol
 La catastrophe de Lubrizol n’a, selon l'Igas, entraîné ni pollution majeure de la Seine, ni dommages directs extérieurs. Ce rapport, rendu en mai 2020, en plein confinement, souligne qu'il a « en revanche dégagé un très important panache de fumée et de suies qui s’est étendu jusque dans les Hauts-de-France et a suscité une très forte inquiétude. » Dans un contexte, précisent les auteurs, de « défiance historique vis-à-vis de la parole publique qui, si elle n’est pas propre à l’accident de Rouen, s’est trouvée renforcée par le manque de confiance, tout aussi historique, envers l’industrie chimique ». Un accident, ajoutent-ils, avait déjà eu lieu en 2013, dans cette même usine. « Il ressort que certains enseignements de cet événement précédent n’ont pas été complètement retenus. »

Manque de coordination et de préparation
Parmi ses recommandations, l’Igas suggère de mieux préparer les administrations et la population à un accident industriel. De renforcer les outils d’alerte, d’information et de communication de l’État. D’anticiper dans les meilleurs délais les risques potentiels de moyen et long terme d’un incident industriel. Et de doter l’État des instruments lui permettant d’assurer une meilleure coordination de ses administrations pendant et après la crise

Igas
Dans le détail, les auteurs saluent une bonne gestion de l’extinction de l’incendie, mais déplorent un dispositif d’alerte qui doit être modernisé. En effet, le « système français d’alerte-information des populations doit enfin inclure une composante de diffusion automatique sur les téléphones portables ». Ils notent aussi que, si l’appréciation des effets à court terme de l’incendie a été efficiente, l’appréciation des retombées à moyen et court terme « a été plus complexe ». Mais la mission refuse de se prononcer sur les effets chroniques à long terme.
Elle pointe enfin un défaut de coordination entre les différents services intervenants. Il aurait fallu un pilotage « clairement indentifié ».

Seveso 2
Sur le plan de la communication, l’Igas indique quelques pistes de progrès. Elle propose de créer une «task force nationale d’appui» pouvant être projetée au niveau territorial pour soutenir les moyens de communication des équipes placées auprès du préfet concerné. Ainsi qu’une cellule nationale responsable de la veille, et de la «riposte» en temps réel aux fausses informations, agissant en lien avec le niveau local. Elle suggère également de faire évoluer les structures de concertation et d’échange que sont les commissions de suivi de sites « Seveso » avec une représentation accrue du monde associatif. Ainsi qu’une « présence de l’État qui n’implique pas qu’il en assure nécessairement la présidence, de façon à créer, hors temps de crise, un contexte plus favorable au développement de la confiance en temps de crise. »

Rouen
Le 30 juin dernier, le Sénat, dont la majorité est opposée au gouvernement actuel, avait été plus direct et offensif. Les conclusions du rapport de sa commission d'enquête soulignent les « interventions divergentes des ministres (qui) ont donné l'impression d'une certaine cacophonie et peut-être d'un opportunisme politique. » Cette commission s’est inquiétée du suivi sanitaire des populations exposées. Elle recommande que soient ouverts deux registres de morbidité. L'un sur les cancers, l'autre sur les malformations congénitales. « Nos travaux ont démontré des angles morts importants dans la politique de prévention des risques et en particulier une difficulté pour l'administration d'accéder en temps réel aux informations sur les produits stockés dans un site Seveso. L'accident de Lubrizol révèle un manque de culture du risque », relèvent sénateurs et sénatrices.

25 septembre 2019
« J'ai lancé une mission pluridisciplinaire sur la modernisation de la culture du risque à la rentrée », a notamment répliqué Élisabeth Borne, alors ministre de la transition écologique et solidaire. « La liste des produits susceptibles d'avoir été dispersés sera mise à disposition du public à l'avenir en cas d'incendie. » « L'accident de Lubrizol fait office de prélude à l'actuelle crise sanitaire », n’a pas manqué de prévenir cette commission d’enquête.

Retour d’expérience
Enfin, pour sa part notre confrère Reporterre s’interroge sur une « défaillance majeure de l’administration ». L’entreprise Normandie Logistique voisine de Lubrizol, et d’où le feu se serait déclaré, aurait entreposé des produits provenant de Lubrizol. Or, Normandie Logistique n’était pas déclarée dans la bonne catégorie selon notre confrère, donc pas surveillée par l’administration comme elle l’aurait dû.

Pierre Luton
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