
Handicapée et femme à part entière

La bonne plateforme

« Quand l’employeur ne veut plus de vous, il y arrive ! »
Eric T., atteint de sclérose en plaques, en voie d’inaptitude, 30 ans. Interview dans le cadre du dossier d'A part entière sur les travailleurs handicapés. Une interview dans le cadre du dossier Travailleurs handicapés à l'occasion du colloque de la Fnath au Sénat en novembre 2028.
Pourquoi avez-vous témoigné de votre situation sur les médias et les réseaux sociaux ?
Aujourd’hui, je vis avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Je suis atteint d’une sclérose en plaques, mais je reste en parfaite santé. Je peux travailler, mais mon employeur ne veut pas de moi. Alors, on va me mettre en invalidité et je vais être licencié et ça va être atroce à vivre. Je suis pieds et poings liés puisque je suis reconnu travailleur handicapé et que je ne peux envisager une rupture conventionnelle ni même démissionner. C’est une machine infernale. Heureusement que je suis entouré. Je pense que je vais rebondir. Je veux transformer ce que j’ai vécu en force, que cela serve aux autres. C’est pour cela que je témoigne sur les réseaux sociaux et dans la presse, même anonymement.
Que s’est-il passé pour que vous en arriviez là ?
Il y a deux ans, j’ai eu un malaise au travail. Malheureusement, mes collègues ont appris que c’était une première poussée de sclérose en plaques. Sans suite. J’ai été arrêté trois mois. Mon médecin traitant et le médecin du travail ont accepté mon retour au travail à temps partiel thérapeutique et à condition que mes locaux soient climatisés. Au début, mon employeur me soutenait, mais dès que ces conditions lui ont été exposées, ça a dérapé. En outre, j’attendais une promotion : on m’a fait savoir que je partais avec un trop grand handicap. Du coup, on m’a fait comprendre qu’il valait mieux que je reste en arrêt de travail, ainsi on ne m’embêterait plus… Quand l’employeur ne veut plus de vous, il finit généralement par y arriver. Mais depuis que je suis arrêté, j’ai peur de retourner à mon travail. Et j’ai fini par faire une dépression qui n’a pas été prise en maladie
professionnelle.
Pensez-vous avoir été suffisamment informé ?
Je suis débrouillard, je me suis connecté sur internet. C’est ainsi que j’ai notamment connu la Carsat, puis l’Agefiph et Cap Emploi. Sinon quand vous sortez de l’hôpital, on ne vous dit rien. Heureusement que j’ai été aidé par l’inspection du travail et mon syndicat. Cela a permis de déposer plainte pour harcèlement moral en application de l’article L1152-1. Désormais, j’attends que mon employeur soit condamné. Je ne fais pas cela pour l’argent car je perds tout dans cette histoire. Au moins, je serai reconnu comme victime. Je vais terminer en invalidité 2. À 30 ans. Alors je me vois bien me reconvertir en travailleur social !
Propos recueillis par PLuton
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