Témoignages

Au nom des victimes

Mise en ligne 23/07/2015

Emmanuelle Brun, 44 ans, Vice-présidente Des France

 La vice-présidente du réseau Des qui défend les victimes du distilbène s’est engagée pour elle mais aussi pour toutes celles qui n’ont pu avoir d’enfants ou qui ont eu des enfants handicapés. Discrète, elle n’en a pas moins vécu, comme elle dit, une « grosse galère ».

 

« En 1982, une femme médecin a réalisé une enquête pour la mutuelle MGEN sur le diéthylstilbestrol (Des). » Mieux connu sous un de ses noms commerciaux, le Distilbène®, œstrogène de synthèse, a été prescrit aux mères au cours de leur grossesse entre 1948 et 1977 pour lutter contre les risques de fausse couche. Il a été contre-indiqué chez les femmes enceintes à partir de 1977, mais des prescriptions se sont poursuivies jusqu’en 1980. Il a été interdit aux USA en 1971. Des cas de cancers et de malformations ont été établis en lien avec l’exposition in utero à cette molécule. « Ma mère était enseignante et adhérait à la MGEN », se souvient Emmanuelle Brun, vice-présidente du Réseau Des, association agréée de la Fnath. « Elle a répondu à cette enquête et c’est ainsi que je l’ai su. Mais à l’époque, pour moi, le distilbène et ses conséquences, c’était encore abstrait. On nous a dit qu’il pourrait y avoir des problèmes, mais ma mère ne s’est pas montrée alarmiste, même si je sais bien qu’elle culpabilise, comme toutes les mères. » Beaucoup de mères se sont en effet posé la question de savoir quelle conséquence aurait la prise de cette molécule sur la santé de leur fille. D’où l’expression « filles Des » qui revient souvent. Aujourd’hui, « les « filles Des » ont en moyenne une petite quarantaine, souligne Emmanuelle Brun. Mais je préfère qu’on dise : « les filles exposées in utero ». » Durant des années, la vie d’Emmanuelle a été consacrée à des longues études de pharmacie, choix qui ne la poussait pas à se préoccuper immédiatement de sa propre maternité. Aussi adhère-t-elle au Réseau Des, tardivement. « Pour savoir ». « À l’époque, je n’étais pas impliquée activement. » « Mais je voulais des informations médicales. »

 

 

 

Grosse galère

 

Emmanuelle fait une pause. Elle n’aime pas s’épancher, surtout pas de thérapie de groupe. « Pleurer ensemble ? C’est pas mon truc ! » Elle répète à l’envi que ce qu’elle a vécu est sans commune mesure avec le calvaire de bien d’autres. Mais elle l’admet : « j’ai vécu une grosse galère ». Elle a eu son premier enfant, un garçon, en 2002 après une grossesse compliquée. « Il était prématuré, mais pas trop quand même ! » « Mais, pour le second, la grossesse s’est très mal passée d’autant que je ne m’entendais pas avec l’équipe médicale. J’ai accouché à six mois. » « Il n’a pas vécu. » « C’est pour cela que j’ai rejoint le réseau. » La troisième était une fille. « C’était à nouveau une grossesse difficile, mais j’ai été prise en charge à Saint-Vincent-de-Paul par l’équipe du professeur Tournaire. C’était hyper médicalisé. Je suis restée allongée 6 mois sur 9. Ma petite fille est née par césarienne, mais elle va bien. »

 

 

 

Typique

 

« Il existe plusieurs types de malformations liées à la prise de distilbène, certaines sont typiques d’autres moins. Le Des a été prescrit de nombreuses et multiples façons. On ne saura jamais tout. Il a forcément eu des conséquences multiples », explique-t-elle. « Moi, je souffre d’une malformation qui n’est pas typique, précise Emmanuelle. Aussi, je n’ai pas souhaité entamer une procédure judiciaire : j’ai eu des enfants et ils sont en bonne santé. Je pense surtout à celles qui ont été privées d’enfant ou à celles qui ont des enfants handicapés. » Pour elles, si elles le souhaitent, il est possible d’entamer un parcours judiciaire (lire encadré), mais il faut bien en peser les conséquences et posséder un dossier solide car en face se trouve une armada d’avocats prêts à en découdre. « Si je ne me suis pas lancée sur le terrain judiciaire, conclut-elle, j’ai néanmoins accepté d’être vice-présidente pour rappeler ce scandale sanitaire qu’on a tendance à oublier et pour parler au nom des victimes qui sont invisibles.»

 

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